Maternités subversives


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Aujourd’hui, dans notre société occidentale, la maternité s’inscrit dans un contexte capitaliste et patriarcal, dans lequel elle se retrouve asexuée, médicalisée, biologisée et dépossédée de son pouvoir. Ainsi, de plus en plus de personnes choisissent des grossesses, des accouchements et des modes d’éducation hors norme. En l’absence de modèles alternatifs, elles essayent d’en inventer tout en questionnant les idées préconçues et les comportements souvent imposés.
María Llopis a rencontré et discuté avec ces nouvelles mères, nouveaux pères, MaPas, sage- femmes, lactivistes… qui réfléchissent au modèle actuel de la maternité, dévoilent ses contraintes et ses contradictions et qui créent, en même temps, des formes novatrices et libératrices. Ainsi, ce livre essaye de rendre visible les différents types de maternités issus de luttes et de nouvelles expériences ; puisque la maternité touche une grande partie de la population, la subvertir est une façon de changer le monde.

 

María Llopis (Valencia, 1975) est féministe, pros-sex, activiste postporno et artiste multidisciplinaire. Elle est aussi mère d’un enfant qui s’appelle Roc. Co-auteure du groupe sur la pornographie et le féminisme Girlswholikeporno (2004-2007), elle a exposé son travail et organisé des ateliers et conférences à travers le monde : Barcelone, Berlin, Ljubljana, Rio de Janeiro, Londres, San Francisco. Elle est aussi autrice de El postporno era eso (Melusina, 2010). Elle apparaît dans le film de Virginie Despentes, Les Mutantes. Son travail et ses réflexions sont souvent débattues et citées aujourd’hui. Ce courant post-porno est représenté en France par Ovidie et Virginie Despentes.

 

Traduit de l’espagnol (castillan) par Alice Maestre

 

Préface de Virginie Noar
Illustration de couverture : Florence Dollé

 

Extrait de l’introduction par María Llopis :

Je crois aux corps. La culture, l’intelligentsia, la science et le savoir me font suer. Moi, je crois en ce qui est sauvage, en la nature, en la force de nos instincts. Mon corps recherche le plaisir. Parfois, il le trouve dans la douleur, parce que la douleur est une émotion intense et puissante qui a le pouvoir de soigner. Mon corps est savant et mon cerveau n’est qu’un organe de plus qui essaye de m’expliquer le monde avec des théories et des étiquettes, qui ne sont rien d’autre que des constructions artificielles.
Moi, j’ai l’impression que la maternité est un état sexuel des corps. Je l’ai sentie comme ça, dans mon propre corps, avant même d’être mère biologique. Il ne me semble pas que les enfants soient conçus dans l’utérus par hasard. Ces mêmes utérus qui bougent quand on est excité·e·s et qu’on a un orgasme. Les accouchements extatiques sont une réalité. La succion du téton par un amant donne du plaisir, la succion du bébé qui tête déclenche le même processus hormonal. La grossesse est une période durant laquelle la vulve est gonflée et tu jouis en deux secondes, un seul frottement suffit. Nous sommes des êtres sauvages, sexuels et brutaux. Depuis notre naissance. Et cette animalité est sacrée. Notre sexualité sauvage est divine. Et la maternité est une façon de vivre notre sexualité sauvage pour nous connecter ainsi au sacré, au divin. Merde, le bouddhisme tantrique l’explique très bien. Tant de rationalité nous rend bête. J’en ai marre qu’on ait peur de prendre en compte la dimension spirituelle de notre être. Tant que nous serons déconnectés de cette énergie sacrée, sexuelle et maternelle, nous serons foutus.
Parce qu’on est bel et bien foutus dans cette société depuis laquelle j’écris ce livre. Nous avons tant de règles et de normes qui dictent ce que doivent sentir nos corps que l’on ne sent plus rien, nous jouissons encore moins, ni de la maternité, ni de la vie, ni de rien du tout.

Et pour les no kid : n’ayez pas d’enfants si vous ne voulez pas – de fait nous sommes trop sur cette planète ! – , mais ne me dites pas que vous et la maternité n’allez pas ensemble. La maternité est bien plus que la maternité biologique. Il y a un tas de gens qui vivent la maternité de façons différentes, bien au-delà des limites imposées par la construction sociale du genre. Bien au-delà des limites d’une société hétéronormative, bien au-delà des limites de la sexualité centrée sur le coït. Bien loin du patriarcat capitaliste qui ignore le travail de celles et ceux qui prennent soin des autres, qui est à la base de la survie de la société.

C’est pourquoi j’ai réalisé des entretiens avec chacune des personnes qui font partie de ce livre, parce que chacune d’entre elles apporte un point de vue différent sur la maternité sauvage, joyeuse et non normative. Certaines sont des pères ou des mères biologiques, d’autres sont des parents d’accueil ou adoptifs, certaines sont dans des projets d’éducation partagée et d’autres encore ont choisi de ne pas être parent. Chacune de ces personnes subvertit la maternité, sa conception imposée dans le système patriarcal. Elles sont toutes sauvages et bestiales à leur manière et moi j’aime toutes ces personnes sauvages parce qu’elles existent, parce qu’elles suivent leur instinct sans crainte, et parce qu’elles m’ont tant appris.

 

Les 36 premières pages sont dans l’aperçu ( Introduction, préface et premier entretien)

Prix: 18 €


Aperçu